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« Rap against the bassines », Skalpel

C’est en s’installant dans les Deux-Sèvres que le rappeur Skalpel a entendu parler des méga-bassines pour la première fois. Artiste engagé dès ses débuts, il a décidé de réaliser une compilation au profit de la lutte. Avec Erau Dub Sound, il interprète le titre phare, slogan du collectif Bassines Non Merci : « No bassaran ! »

« Sa vision est à la fois micro et macro. Sa musique observe aussi bien les détails qui font les quartiers qu’elle scande la mémoire des luttes à travers le monde. » C’est ainsi que le webzine « abcdrduson » qualifiait la démarche de Skalpel dans un entretien que lui avait accordé l’artiste en 2019 (1).

Les luttes du monde qu’il évoque, il est né et a grandi en leur sein. Originaires d’Uruguay, ses parents sont des Tupamaros. Leur communauté a constitué un mouvement révolutionnaire armé clandestin, marxiste et guevariste, et qui pratiquait la guerilla urbaine. Arrivé·es en France en tant que réfugié·es politiques, installé·es à Aulnay-sous-Bois, iels ont éduqué leur garçon en leur parlant de ce qu’iels avaient vécu. La musique à la maison ? « Du folklore latino-américain très engagé » (1).

A l’adolescence, un ami lui a offert une cassette de rap. Un choc et un déclic. Ce qui l’a touché, c’est « la forme du phrasé et le fond qui dénonce ».  A partir de 15 ans, il a constitué des duos et des collectifs avec d’autres artistes, et a sorti également des albums en solo. Mais au fil du temps, sa ligne n’a pas dévié : « disséquer en musique l’histoire officielle et le discours dominant ». « En France, le roman national français a confisqué la mémoire populaire et révolutionnaire de quasiment toutes les luttes, de la Commune de Paris à Mai 68 ou les luttes anticoloniales et anti-impéralistes, explique-t-il (1). Nous, on veut que la mémoire ne soit pas celle du pouvoir mais qu’elle soit populaire. (…) Cette obsession que l’Histoire ne soit pas racontée que par les vainqueurs, c’est ce qui traverse ma discographie et mes revendications militantes. »

Connu notamment pour K-Bine, son duo avec Guez, et son groupe Première Ligne, il a su s’imposer dans les milieux militants d’extrême gauche, à une époque où les scènes étaient plutôt peuplées de musiciens blancs issus de la classe moyenne hurlant du rock ou du punk à pleins poumons.

Soucieux de rester autonome et indépendant, Skalpel tranche à la fois avec le rap commercial et avec celui, un brin sophistiqué, qui envahit actuellement les ondes des radios mainstream.

Il assume ses positions politiques anti-capitalistes et, depuis quelques années, tente de s’engager plus concrètement. Il se sert du rap comme un outil de convergence entre différentes luttes, sociales, syndicales, politiques et aujourd’hui, écologiques.

En 2006, il avait réalisé une compilation au profit des prisonnier·es d’Action Directe et en 2007, pour la libération des prisonnier·es de Villiers-le-Bel après les émeutes. Avec « Rap against the bassines », il entend offrir un « outil pédagogique » à celleux qui s’intéressent à la question de l’eau et aussi, faire découvrir ce type de rap aux militant·es anti-bassines.

Le samedi 24 juin à 20 h, il se produira au café militant associatif l’Antidote à Bourges, en soutien au collectif local Bassines Non Merci Berry.

Pour écouter et /ou acheter la compilation, rendez-vous sur : https://skalpel793.bandcamp.com/album/rap-against-the-bassines-compilation-2023

(1) https://www.abcdrduson.com/interviews/skalpel-incisions-militantes/