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Naître à la maison

Alice a mis ses deux petites filles au monde chez elle dans la chaleur de son foyer, en toute sécurité, entourée par ses proches, grâce à l'accompagnement global de deux sages-femmes libérales. Ces expériences ne sont pas arrivées par hasard : elles sont le prolongement d'un chemin de vie qui vise notamment à reconnecter le corps et l'esprit.

 

La venue de Coline puis celle de Leïla parmi nous furent à la fois intenses et sans douleur, très rapides et presque trop faciles. J'ai vécu la première comme un passage initiatique, tandis que pour la deuxième, j'ai l'impression que cette enfant s'est mise au monde toute seule, sans que j'aie rien fait.
Lorsqu'on me demande quelle préparation j'ai suivie, je rappelle que ces expériences découlent aussi, selon moi, d'un long parcours initiatique entamé lorsque j'avais 30 ans. Alors utilisatrice de la pilule depuis 15 ans, j'avais décidé de me débarrasser de la chimie qui altérait mes cycles pour retrouver mon corps, me reconnecter à moi-même, à mon instinct et mon intuition. Lors des cinq années suivantes, j'ai « travaillé » sur moi, expérimentant la kinésiologie, le yoga, les cercles de femmes, le voyage au tambour chamanique, les constellations familiales, la perception des énergies qui nous entourent et nous habitent, pour finalement m'approprier mes cycles, mes corps, mon histoire, ma vie.

Tout a commencé par des retrouvailles, celles entre mon mental et mon corps. Me visualisant comme coupée en deux, j'ai décidé de cesser de considérer mon corps comme un vaisseau pour mon mental, et j'ai tenté de « redescendre » dans mon corps, de réunifier ces deux parties de moi. De manière active, avec la pratique du yoga (dont la racine sanskrite « jug » signifie « unir »), dont je pensais qu'elle m'apporterait de la souplesse et de la fermeté musculaire, mais qui m'a offert la possibilité de lâcher : relâcher les tensions musculaires, lâcher le mental, lâcher prise, dans la méditation et le souffle. De manière passive avec la kinésiologie, où la thérapeute  va chercher dans le corps, des tensions psychiques liées à des traumatismes conservées dans les muscles, et « dénoue » la situation à la fois dans la matière et dans l'inconscient.

Alice 8

J'avais déjà effectué une thérapie à l'âge de 20 ans, alors que mon grand-père était en train de mourir, mais je sentais qu'ayant déjà abordé le problème avec le travail sur le conscient, il me fallait à présent débarquer sur les rives inconnues de l'inconscient. Une soudaine vitalité accrue, quelques rencontres décisives, et de longs et nombreux partages m'ont permis de découvrir des façons de se soigner non conventionnelles et d'oser les explorer.

Les cercles de femmes, puissant outil de partage et de libération consistent, pour ceux auxquels je participe (ouverts à toutes et autogérés), principalement en des cercles de parole : la prise de parole est manifestée par un bâton ou une plume, qui passe de femme en femme dans le sens horaire. Chacune à son tour peut parler, en prenant le temps qu'elle veut, pleurer, crier, rire, se taire, hésiter. Chacune prend la parole en son nom et non pas pour répondre, donner conseil à une autre ou tenter de trouver une solution. Toutes sont dans une écoute bienveillante et sans jugement (pour soi-même ou pour les autres) et rien de ce qui est dit dans le cercle n'en sort. Le cercle s'ouvre et se ferme, de différentes manières, afin de marquer le fait qu'il s'agit d'un temps qu'on s'accorde et qu'on accorde aux autres, un temps en dehors du temps, afin de placer sa conscience dans l'écoute et dans le partage. Le fait que la parole circule, sans réponse directe, induit la nécessité de prendre le temps de dire les choses justes et permet de mûrir ce que l'on choisit d'exprimer. On s'aperçoit souvent que les mots, les témoignages, les expériences des unes et les ressentis des autres résonnent en nous, nous parlent aussi de nous. C'est poignant, bouleversant et porteur. Il y a bien des fois où on apporte avec soi son insécurité, et certains cercles tanguent et se déséquilibrent. D'autres sont purs, fluides, simples et chaleureux. Ils sont en tout cas pour moi d'une nécessité presque vitale depuis bientôt six années. Ils me permettent de libérer des tensions, de déposer des fardeaux, de regagner en bien-être, en vitalité, de me remplir d'énergie.

Un certain nombre de femmes participant aux cercles donnent de l'importance à ce que l'on appelle le féminin sacré : se reconnecter à sa féminité, notamment à travers son cycle menstruel (dans quelle phase on se situe, comment on la vit), lui redonner la valeur qu'elle mérite mais qu'on lui accorde rarement.
Un certain nombre de femmes également possèdent des tambours chamaniques dont les vibrations, parfois accompagnées de chants, permettent avant tout de lâcher le mental, mais aussi parfois de partir en transe, d'accéder à un état modifié de conscience, d'entamer un voyage.
Ces voyages au tambour, je les ai expérimentés la plupart du temps encadrés et guidés par une chamane, mais parfois aussi de manière spontanée. Ils sont encore une autre façon d'explorer des pans de la psyché difficilement atteignables autrement, et donnent lieu à des visions, dans un état proche de l'hypnose me semble-t-il, où le conscient et l'inconscient s'entremêlent, s'unissent pour travailler ensemble.

J'avais déjà découvert et ressenti l'existence des énergies qui nous environnent et nous traversent, qu'on les appellent « qi » en médecine chinoise, « ki » au Japon ou « prana » en Inde. Elles circulent à travers nos méridiens, nos chakras, nos corps subtils. J'avais également pris conscience que mon alimentation pouvait être la meilleure et la plus simple des médecines, puisqu'elle intervient en amont. Et si « je suis ce que je mange », comme le propose la macrobiotique, je pouvais choisir de ne plus m'empoisonner, mais de cuisiner des aliments simples, récoltés ou achetés autour de chez moi, dans mon jardin, au bord du chemin, sur l'étal du marché ou chez le producteur.

Puis j'ai été amenée, par des lectures et quelques nouvelles rencontres, à découvrir la psychogénéalogie aussi appelée analyse transgénérationnelle. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'expérimenter les constellations familiales. Cette méthode, tenant à la fois du théâtre et de la thérapie de groupe, consiste à réunir plusieurs personnes, guidées par une thérapeute, qui vont à tour de rôle « poser » leur constellation. Ainsi, après un entretien préalable où le « constellant » explique à la thérapeute sa problématique, sa généalogie et son parcours de vie, ils déterminent ensemble un objectif. En partant de là où il en est, il décide et écrit sur un papier là où il voudrait être. Puis, sans rien révéler de cet entretien au reste de l'assistance, la thérapeute lui demande de choisir parmi les autres personnes quelqu'un pour représenter son père, sa mère, sa sœur, son objectif, et un obstacle, par exemple. Une fois de plus, il faut réussir à se détacher du mental et laisser agir le corps : ne pas trop réfléchir et laisser ses pas se diriger vers telle ou telle personne qu'elle va placer dans l'espace. Puis le « constellant » va s'asseoir et ce sont les personnes désignées, les « représentants » qui vont agir. La thérapeute va aller les voir à tour de rôle et leur demander comment ils se sentent, dans cette position, à cette place. Ce seront peut-être au départ juste des ressentis, puis des paroles fusent, des confrontations vont naître, et un schéma familial va se mettre en place, et dans le meilleur des cas, se dénouer.

Personnellement, j'ai vécu la première expérience de constellation familiale comme une expérience magique ; j'ai d'abord été appelée comme représentante dans un schéma familial qui s'apparentait fortement au mien. Puis, j'ai pu placer ma propre généalogie et sont sorties de la bouche des participants des choses stupéfiantes, que je n'avais même pas racontées à la thérapeute.

Qu'il s'agisse d'une puissante mise en réseau de nos cerveaux et de nos psychés respectives, ou d'une connexion aux ancêtres comme le propose la thérapeute, il est certain que quelque chose d'inhabituel se produit. Et comme pour la kinésiologie, si je ne comprends pas le comment du pourquoi, j'en ressens et j'en mesure les effets. Dans ce cas aussi, sans que l'on intervienne consciemment, le résultat est un « dénouement » d'une situation, d'une problématique ancrée cette fois-ci non plus dans le corps mais dans l'inconscient familial, dans le transgénérationnel. Cela permet parfois de comprendre et de gérer des traumatismes liés à des incestes, des adultères, à la guerre, des tabous, des non-dits transmis de génération en génération, qui ne nous appartiennent pas mais dont on porte le fardeau malgré nous. Et la particularité de cette méthode fait que l'on peut voir une situation, un conflit se régler, ce qui serait sans doute impossible dans la « vraie vie » puisque parfois, les personnes représentées n'existent plus, ou ne sont plus en contact.
Il a en tout cas été un des facteurs qui m'ont conduit à considérer non seulement mon corps, mais aussi ma psyché, et mes liens transgénérationnels, (et pourquoi pas mes vies antérieures ?) comme faisant partie d'un tout, et qui constituent mon être dans sa globalité et dans son impermanence. Ils m'ont permis entre autres, de vivre mes deux grossesses et mes deux accouchements en pleine conscience et de manière épanouissante.

Intenses et gros changements de vie qui ont fait bouger les lignes non seulement chez moi mais aussi chez tous ceux qui m'entourent, comme les gouttes de pluie tombant dans la mare font des ronds qui se diffusent et finissent par se toucher, s'interpénétrer.
Voilà pourquoi depuis je n'hésite pas à partager mon vécu, mon expérience. Voilà pourquoi je livre ici une partie de mon histoire.

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Ce jour pas comme les autres

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Ma première fille est née le jour de Samhain, jour des premières gelées, et dans un soleil radieux. Je souhaite à toute femme l'accouchement que j'ai vécu ce jour-là : grâce au chemin intérieur et extérieur que j'ai parcouru depuis quelques années, grâce aux personnes qui m'entourent et me soutiennent et, surtout, grâce aux personnes qui m'ont accompagnées, mon conjoint et notre sage-femme, j'ai vécu un accouchement rapide, peu douloureux, lumineux et confiant.

Petit récit de ce jour pas comme les autres...

Vers 7 heures, je m'éveille et m'étire dans mon lit. Je sens (« j'entends » presque) quelque chose qui craque et qui se rompt. Puis, en me levant, un liquide coule sur mes jambes. Mais je crois encore à une fuite urinaire et pour cause : je suis à 37 semaines d'aménorrhée, mon bébé ne devrait pas arriver avant trois semaines ! Je file aux toilettes mais le liquide continue à couler, peu mais régulièrement. Je décide de prendre une douche avant de prendre une décision. Ce n'est pas possible que j'accouche aujourd'hui. Aujourd'hui, je dois aller former ma remplaçante qui doit prendre le relais dans ma boutique jusqu'à la fin de l'année !
Je dois pourtant me rendre à l'évidence : je suis en train de perdre les eaux... il est à peu près 7 h 30. Je file à l'étage réveiller mon amoureux qui s'éveille à la première mention de son nom après une courte nuit de 4 heures (nous avons fêté mon anniversaire la veille). Il a senti au ton de ma voix et à mon allure dans les escaliers que quelque chose se trame. « Je crois que la poche des eaux est fissurée. Comme les sages-femmes nous l'ont expliqué, ça coule petit à petit, comme une fuite. »
Aussitôt sur le pont, mon compagnon descend se préparer un café pendant que je retourne aux toilettes afin d'être sûre de moi avant de prévenir les sages-femmes. « Tu les appelles ? Tu sais laquelle est de garde cette semaine ? » Non. Je leur envoie un texto à toutes les deux à 7 h 40. Bref échange de messages avant qu'elles s'organisent. À 8 h, l'une d'elles me rappelle : « Tu as des contractions ? » « Non je ne crois pas encore ou en tout cas, elles ne sont pas douloureuses » « Bon, je me mets en route maintenant quand-même, je suis un peu plus loin que d'habitude, j'en ai pour trois heures. On se tient au courant par textos. » En raccrochant une grosse contraction fait couler plein d'eau d'un seul coup. Plus de doute : on y est. Il est 8h30.

Un papa formidable, épatant, précieux

Au début je pense encore pouvoir faire des choses : un petit déjeuner, un coup de fil... mais bien vite, les contractions se rapprochent. À 9 h, elles se produisent toutes les cinq minutes environ : le vrai travail a déjà commencé. Moi, je ne me rends compte de rien, mais pour mon conjoint, c'est le branle-bas de combat. Pendant plusieurs heures, il va tout gérer : téléphoner à ma remplaçante au travail, transformer le salon en salle d'accouchement, booster le poêle pour s'approcher des 25 degrés, trouver quelqu'un pour aller récupérer le clamp ombilical commandé à la pharmacie (dernier élément de la liste de naissance dressée par les sage-femmes)... Heureusement, il a commencé par se prendre un temps pour lui dehors avec un petit café, comme pour mieux se préparer pour la suite. Au fil des heures, cet homme va se révéler à mes yeux, plus formidable, épatant, précieux, que je ne l'avais imaginé.

Il était pourtant plus que frileux, voire pas convaincu (ou simplement effrayé par les risques pour moi et le bébé) quant à ce choix d'accoucher à la maison. Moi-même, avant d'être enceinte, ne m'étais jamais projetée dans ce type de démarche. Je ne voulais d'ailleurs pas entendre parler de « projet » de naissance. La chose me paraissait superficielle, déconnectée de la réalité, pas authentique. Je connaissais en outre quelques personnes qui avaient accouché chez elles, dont une amie qui m'avait dit à l'époque : « il faut beaucoup se préparer ». Et ces mots n'étaient pas pour me plaire. Je me disais alors : « pas question de m'entraîner comme pour un marathon, de consulter livres, spécialistes pour tout apprendre de l'enfantement ». Il faut dire que cette amie avait donné naissance à deux de ses enfants seuls avec son conjoint, dans leur yourte. Ils avaient dû parer à toute éventualité, acquérir bouteille d'oxygène et connaissances techniques. Mais leur témoignage rendait compte d'une expérience lumineuse, fluide, chaleureuse. Ce couple, et d'autres, ont ouvert la voie.

Deux rencontres, deux personnalités, deux forces

Lorsque j'ai appris que j'étais enceinte et que nous avons décidé d'accueillir cette étincelle de vie qui se manifestait en moi, tout a changé. La lecture de divers ouvrages me permit de me rendre compte que j'avais un avis pour le moins critique sur la surmédicalisation assez répandue de cet acte lorsqu'il est pratiqué en hôpital ou en clinique. Le témoignage d'amies ayant accouché dans les maternités du coin confirma mon point de vue : je n'avais nullement envie que cet être, dès sa venue sur Terre, vive le traumatisme d'une péridurale, de tuyaux enfoncés dans le nez, de « soins » lui retirant toutes les protections fabriquées naturellement. J'étais en fin de compte fermement convaincue qu'un bon environnement, matériel, physique et psychique était ce qui permettait le mieux un accouchement sans complications. Matériel, c'est-à-dire un environnement chaleureux, doux, rassurant, un cocon intime, sans source de stress ; physique, en ce qui concerne la grossesse en elle-même, qui doit être physiologique et non pathologique ; et pour l'environnement psychique, peut-être le plus important, il s'agit d'avoir évacué toutes les peurs, les angoisses, les stress pour pouvoir se laisser aller, lâcher prise, laisser venir ce qui vient. Pour moi, cela se résumait à des peurs très pragmatiques que j'ai libérées en en faisant part aux personnes concernées, acte courageux mais ô combien libérateur.

Je savais surtout qu'une alternative était possible : deux sages-femmes libérales pratiquant l'accouchement à domicile et très motivées acceptaient de se déplacer à plus de deux heures de chez elles pour accompagner les futurs parents. C'était pour moi une question de confiance : je faisais moins confiance à la technologie, la chimie industrielle, et à un système de santé déshumanisé à mon sens autant envers les patients que ses praticiens, qu'à des mains expertes, respectueuses et averties des cycles naturels, des capacités du corps de la femme, de la force des émotions et des sensations. J'avais aussi et surtout confiance en moi et en mon bébé, comme si je savais que tout allait bien se passer, comme si j'avais la foi ; je sentais la puissance de mon corps.
Nous sommes tout de même allés visiter une maternité afin d'observer, de connaître toutes les possibilités que nous avions, dépasser la peur de l'inconnu par la rencontre. Et nous sommes allés voir les sages-femmes.

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Deux rencontres, deux personnalités, deux forces. De la puissance chez l'une et de la douceur chez l'autre, mais une écoute et des compétences manifestes qui ont gagné notre confiance.
Ce mot est essentiel : elles avaient autant besoin d'avoir confiance en nous que nous en elles. Et pour moi, la préparation à l'accouchement semble se résumer (mais non se réduire) à des rendez-vous où nous discutions ensemble. D'abord, pour se connaître, comprendre d'où venait notre décision, sur quoi elle reposait. Puis, pour nous expliquer par le menu comment se déroulait physiologiquement un accouchement, étape par étape, en gardant bien sûr à l'esprit que dans la vie, rien n'est comme dans les livres.

Je visualise une porte pour le bébé : c'est par là...

Par exemple, bien que les sage-femmes nous aient dit à plusieurs reprises que pour un premier accouchement, on aurait du temps (parfois jusqu'à six ou sept heures de travail), je crois que nous avons tous senti assez vite ce jour-là que ce serait rapide. Après coup, notre sage-femme m'a appris qu'elle avait passé une bonne partie de son trajet à serrer les fesses en m'enjoignant mentalement de l'attendre ! J'ai commencé tranquillement à gérer mes contractions dans mon canapé, sur mon ballon de yoga, suspendue à une chaise ou à quatre pattes sur les couches de tapis disposées généreusement par mon amoureux, en communiquant régulièrement par textos (très pratique pour ne pas paniquer devant un saignement - « le col bouge, c'est très bien ! » - ou pour confirmer la perte du bouchon muqueux). Vers 10 h 45, je m'interroge : le bébé ne va-t-il pas arriver avant la sage-femme ? Les contractions de plus en plus fortes se rapprochent et je sens mon bassin bouger sous la pression du bébé.

Je fais appel à mon compagnon pour qu'il accompagne la douleur en massant le bas du dos et en appuyant fortement sur le sacrum afin de contenir les vibrations du bassin. Il m'annonce que la sage-femme n'en a plus que pour une heure. Une heure, ça va, je peux gérer. Je commence à avoir vraiment chaud et je me déshabille pour être plus à l'aise. Je continue à faire des aller-retours aux toilettes entre chaque contraction puis se produit un premier réflexe d'expulsion : je crie. Entendons-nous bien, dès le début, j'ai vocalisé : de beaux et profonds sons graves montent en moi pour accompagner, transcender la douleur. Mais là, c'est différent. J'ai reconnu le cri rauque et puissant de femme sauvage décrit par les sages-femmes. Le bébé vient !

Quelques minutes plus tard, mon conjoint m'annonce que la sage-femme est là. Il ne perd pas son sang-froid mais m'a avoué ensuite qu'en voyant alors l'expression sur mon visage, il a senti qu'il avait peut-être commis une erreur : je ressens son arrivée comme un véritable soulagement et me relâche, alors qu'il va lui falloir un peu plus de temps pour être prête. Elle vient en fait seulement de se garer devant la maison !
Il est approximativement 11 h 30. Elle va avoir à peine le temps de se préparer, de donner quelques indications au futur papa : « il faut une bassine d'eau, un gant. Bon, installe-toi derrière elle, là ». Elle assemble un petit tabouret d'accouchement en forme de fer à cheval et me voilà accroupie, dans la lumière du soleil, mon amour dans le dos qui, gagné par l'émotion, pleure à chaudes larmes, ma main cramponnée à la sienne et mes yeux plongés dans les yeux bleus de la sage-femme. Elle me guide de sa voix douce : « repose-toi entre chaque poussée ». Elle prend soin de moi en me nettoyant, en appliquant un gant d'eau chaude sur mon périnée pour le détendre. J'ai un bref moment de désespérance, ce moment de peur et d'angoisse intense, où je sens ce qui se trame et vraiment, ce n'est pas possible, ça ne va jamais passer ! Puis, je me remémore les conseils précieux de ma prof de yoga : la seule solution est de se détendre et de relâcher le périnée. Si j'ai peur et que je me contracte, c'est sûr que je vais souffrir... Au même moment, je visualise une porte blanche, lumineuse pour le bébé : c'est par là...

J'ai fait un cadeau à cette personne : une naissance harmonieuse

Encore quelques poussées et mon enfant apparaît, tout en longueur, le crâne déformé, recouvert du vernix blanc et de sang. J'éprouve à la fois de l'incrédulité (comment tenait-il dans mon ventre ?) et beaucoup de fierté : j'y suis arrivée, je l'ai fait !
Puis je cherche des yeux la vulve ou le pénis : c'est une fille ! L'émotion m'étreint : « on a une fille » ! On l'enveloppe dans une serviette chaude et hop, contre ma peau.

coline
Les heures suivantes sont consacrées à se restaurer (nous n'avons rien mangé depuis le réveil), à la première tétée, à la délivrance et aux soins de la maman : deux points de suture pour deux micro-déchirures sur les lèvres (traitées ensuite avec des cataplasmes à l'argile verte et à l'eau florale d'hélicryse). Pour le bébé, rien. On laisse le cordon battre jusqu'au bout et on ne lave pas l'enfant : le vernix sera rapidement absorbé par la peau. Je m'occupe de couper le cordon, effectuant là un geste éminemment symbolique : c'est moi qui matérialise la séparation entre ma fille et moi.
Je suis très heureuse d'avoir pu offrir ce que je considère comme un cadeau à cette personne : une naissance harmonieuse et pleine de douceur. D'un autre côté, ce petit être décidé et fonceur, en arrivant un peu en avance, nous a peut-être épargné une attente et une montée d'angoisse. Sa venue au monde en quelques heures et avec des douleurs très supportables (du même acabit que celles que j'ai appris à gérer lors de mes lunes, ou en me faisant tatouer), est pour moi un véritable présent.
Après cette venue au monde presque magique, viennent le bonheur des premières découvertes et les difficultés inhérentes à l'apprentissage d'être parent. Coline imprègne notre vie de joie, de vivacité, d'espièglerie, d'intelligence fine, de rires et de pleurs intenses.

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Renaître à moi-même

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Deux ans ont passé et voilà qu'un nouvel être pointe le bout de son embryon, alors qu'on ne s'y attendait pas encore... L'acceptation de cette deuxième grossesse sera  beaucoup plus difficile et va me demander de remettre en cause bien des choses dans ma vie, de bouleverser mes habitudes. Mieux, elle m'offre l'occasion de changer, de mourir à certaines choses, pour renaître à moi-même.

Dès le début, ces deux grossesses et ces deux venues au mondes, ces deux enfants s'avèrent bien différentes. Alors que je me sentais très en confiance lors de la première, j'ai l'impression que le doute et l'angoisse ont habité ces quelques huit mois de grossesse. Pas tant au niveau pratique puisque je me sens suffisamment en confiance pour éventuellement donner naissance en maternité : nous avons en effet appris en début d'année que les deux sages-femmes qui nous avaient suivies sont mises en causes dans deux accouchements ayant nécessité un transfert à l'hôpital, et ne font plus d'accouchement à domicile (lire en encadré et la rubrique (Ré)acteurs).

Mais ayant déjà accouché une fois, je pense connaître mon corps suffisamment et reconnaître les signes, les sensations qui me permettront d'orienter le corps médical vers un accouchement qui me convient. L'accouchement non accompagné (ANA) me fait encore trop peur, et mon conjoint ne serait pas d'accord non plus. C'est plus la finalité, le fait d'avoir deux enfants, de devoir partager mon cœur de mère en deux, l'impression de trahir chaque enfant en accordant (trop ?) d'attention à l'autre qui m'angoisse au plus haut point. C'est sur ce point-là que je vais travailler pour évacuer la peur, me renseigner, demander à tous les parents que je rencontre comment ils ont fait. La plupart du temps, j'entends : « deux enfants rapprochés ? Tu vas voir, ça va être génial, un peu sport au début, mais ça va passer... ». Ce qui n'est pas fait pour me rassurer. Je me doute bien que le « un peu sport au début » recouvre une toute autre réalité. Mais ce qui arrive est sans doute juste, à nous de nous adapter...

Connaissance du corps et intuition

Et puis un jour, sur le conseil d'une amie, j'appelle quand même la sage-femme, au-moins pour lui demander des conseils. Elle m'apprend alors que malgré son instruction judiciaire, elle reste en capacité d'exercer et pourra nous accompagner jusqu'à l'accouchement. C'est la cerise sur le gâteau, le bonus de cette grossesse : je vais pouvoir de nouveau accoucher chez nous ! Je vais pouvoir de nouveau être entourée de sa douceur et de sa force, de sa guidance et de son enseignement. Sur les deux sages-femmes qui m'avaient suivie pour la première grossesse, elle seule est encore en exercice près de chez nous. Sa collègue, qui nous avait accouché alors, a déménagé. Je ressens comme une chance d'expérimenter un accouchement avec cette deuxième personne.

L'accompagnement passe à nouveau par beaucoup d'échanges : mais comme on se connaît déjà, on a juste à affiner des ressentis, à préciser des sensations ou des bouleversements. Une fois de plus, le psychique est autant concerné que le physiologique : par exemple, la perte d'un caillot de sang me permet de me rendre compte à quel point je tiens à cet enfant et, sur les conseils de la sage-femme, je prends un peu de repos et commence à lever le pied pour prendre soin de moi et de lui ou elle. L'intuition intervient beaucoup également : ainsi, au fur et à mesure que les mois avancent, la sage-femme et moi-même nous accordons sur le fait que le ou la bébé devrait arriver en avance et vite. C'est aussi sa connaissance du corps des femmes, notre connaissance du mien en particulier, et ma première expérience en tant que parturiente qui nous permettent d'en arriver à cette conclusion : Coline était arrivée trois semaines en avance ; comme précédemment les ligaments sont très lâches et la matrice est prête à enfanter dès la fin de l'année, ce qui me fait même craindre d'accoucher prématurément.
C'est ce qui marquera d'ailleurs la fin de ma grossesse : je compte les jours jusqu'à la fin de la 37e semaine d'aménorrhée à partir de laquelle je peux enfin accoucher à la maison, sans risque pour moi ou l'enfant. Et si les pronostics vont bon train, je sens que cet.te enfant ne va plus tarder à pointer le bout de son nez...

« Si tu viens, viens franchement... »

Voici le récit de sa naissance, arrivée si vite que l'AAD (Accouchement A Domicile) s'est presque transformé en ANA (Accouchement Non Assisté)...
En effet, vendredi 3 janvier, après un massage du bassin surprise par une amie la veille et une séance de photos intensive le matin-même, je ressens dans la soirée plusieurs contractions mais je ne m'inquiète pas tellement et me dis que j'ai trop tiré sur la corde. Après un peu de repos, ça ira mieux...
Pourtant, je suis réveillée à 4 h 35 par un mouvement du bébé qui fait craquer mon bassin (comme un tremblement de terre intérieur) et couler un peu de liquide. Je fais juste « ho, ho », étonnée par la sensation, mais cela réveille aussitôt mon conjoint. Je vais vérifier si le liquide continue de couler mais, plus rien... Je retourne me coucher et attend la suite. Une autre contraction refait couler un peu de liquide : cette fois, ça y est, on peut prévenir la sage-femme.

Nous commençons doucement à nous préparer : booster le poêle pour augmenter la température de la pièce, sortir les tapis à disposer par terre, vérifier qu'il ne manque rien...
Comme la première fois, chaque contraction s'accompagne d'un aller-retour aux toilettes pour évacuer des selles liquides, signe de l'arrivée du bébé (à tel point que certains parents les ont appelées les « sentinelles »). Mais les contractions sont très douces, peu douloureuses, et je les accompagne en bougeant le bassin. Je me sens tranquille, sereine. Un peu coupable aussi, même si je n'y suis pour rien : « désolée, dis-je à mon chéri, ça remet en cause tout le planning du week-end qui devait être consacré au montage du plancher de la yourte ». Lui me rassure tout de suite : « tout va bien, le bébé vient quand il veut, à nous de nous adapter, il n'y a pas de problème ». Je me souviens d'avoir, à ce moment-là, dit au bébé quelque chose comme : « bon si tu viens, viens franchement, ne fais pas semblant ».

Je m'occupe alors d'installer l'écharpe de portage pour me suspendre, tandis que mon amour va récupérer des affaires à l'étage, et en profite pour réveiller ma mère (je lui avais demandé de l'aide pour les dernières semaines de grossesse, en me disant qu'elle serait là si besoin, le jour de l'accouchement, pour s'occuper de la grande sœur, âgée de 2 ans et 2 mois). Ma mère descend, m'embrasse, assez émue, et je note dans un carnet l'heure de la dernière contraction pour voir si elles se rapprochent. Il est 5 h 15, je n'aurai pas le temps d'en noter d'autres...

Une décharge de bonheur et de plaisir

La prochaine m'emmène une fois de plus aux toilettes et là, d'un seul coup, c'est l'expulsion : je sens la tête du bébé qui sort ! Je crie : « c'est maintenant ! Le bébé arrive ! » Je pousse un rugissement qui réveille ma fille. Je demande des serviettes à mettre par terre, puis ma mère file à l'étage s'occuper de la grande qui pleure, tandis que mon amoureux me prévient qu'il appelle les pompiers, puisque la sage-femme n'aura pas le temps d'arriver.

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Moi, pendant ce temps, j'ai réussi à descendre des toilettes et je suis à genoux, la tête du bébé dans mes mains. Je sens sa bouche, ses yeux, son nez, et soudain je panique : « il ne bouge pas ! Le bébé ne respire pas ! » Je pense qu'il est mort, mais je me dis que vivant ou mort, il faut bien qu'il sorte... Je précise que tout ça se passe en quelques secondes, mais l'adrénaline permet de distinguer chaque moment comme s'il s'étirait.
Ma main sur sa tête accompagne le mouvement de rotation qui permet à ma petite fille de sortir et je l'accueille entre mes mains, très émue. Elle a des cheveux bruns, comme moi à ma naissance !! Lovée en boule dans mes mains, elle ouvre les yeux et pleure : tout va bien, elle respire ! Il est 5 h 23, soit 50 minutes (et environ 5 contractions) depuis les prémices...
J'entends ma grande fille qui dit « oh bébé est là ». Une décharge de plaisir et de bonheur m'envahit ! Mon conjoint annonce aux pompiers : « le bébé est là ». Lorsqu'il a raccroché, je lui demande de l'aide pour retirer mon t-shirt (je ne sais même plus comment on a fait) ; je veux vite la coller contre moi pour la réchauffer.

L'arrivée des pompiers et des médecins

Puis, je vais me poser dans le salon en annonçant à ma mère qu'elles peuvent descendre. J'ai tellement envie de partager ça avec elles aussi !
Et là les pompiers arrivent, c'est le branle-bas de combat dans la maison, qui va être envahie de monde : d'abord, trois pompiers qui me posent une horrible couverture de survie et veulent tout de suite couper le cordon. J'ai beau leur dire que je veux attendre qu'il cesse de battre, je crois qu'ils ne m'entendent même pas... Mon conjoint, qui se sentait prêt cette fois à s'en occuper, n'en aura pas l'occasion.

Une infirmière pompier me pose plein de questions et surtout si je vais bien, plusieurs fois. Moi, je suis dans une bulle de sérénité et de décharge puissante d'hormones, complètement stone, et ma fille a trouvé mon sein, donc oui, tout va bien. J'ai même abandonné l'histoire du cordon et, lucide, je préfère me préparer pour des batailles plus importantes. J'apprends en effet que les médecins du SMUR arrivent et j'entends parler de transfert. Je demande à l'infirmière : « qui va s'occuper du placenta ? ». Je lui précise qu'il était prévu d'accoucher à la maison, avec une sage-femme, qu'on l'a déjà fait pour la première, et qu'on voudrait si possible rester à la maison. Mais eux ne sont pas en mesure de décider, ce sont les médecins qui vont prendre le relais maintenant.
Et ils arrivent, en blouses blanches, après les uniformes noir et argent des pompiers. Un homme et deux femmes, une toute jeune très souriante et une plus âgée et un peu plus stricte, ou stressée. C'est elle qui prend les choses en main et me demande de m'allonger pour expulser le placenta, en m'appuyant sur le ventre tout en me demandant si j'ai des contractions. Je n'en ai pas, mais je suis très mal installée et sens vite que rien ne va sortir comme ça. Je leur demande de me laisser m'accroupir et en tirant un peu sur le cordon, le placenta sort tout de suite. Elle vérifie que tout est là et demande à sa collègue un sac poubelle. Je leur dis alors que je souhaite le garder et prenant les choses en main, je demande au papa une bassine. Interloquées, elles s'interrogent du regard, et puis : « oui, c'est à vous, vous pouvez le garder ».

Les pompiers leur font part de notre volonté de rester chez nous. Après quelques pourparlers, le médecin finit par lancer sur un ton rigolard : « de toute façon, on ne va pas vous menotter pour vous forcer à y aller ! » Ouf, ça détend l'atmosphère. Après un coup de fil à la maternité qui nous enjoint de venir faire une visite de contrôle dans les deux jours, et après nous avoir demandé cinq ou six fois si la sage-femme allait bien venir, tout ce petit monde remballe ses affaires et revient nous saluer avant de partir (les pompiers surtout étaient tout heureux : on a dû faire causer dans les chaumières !!).

On se retrouve alors en famille, les uns au petit dèj', Bébé et moi bien au chaud dans nos draps, enfin au calme, mesurant la chance d'avoir pu rester chez nous.

rencontre


La sage-femme, qui n'a finalement même pas eu le temps de partir, arrivera plus tard dans la journée pour nous aider dans les premiers soins à la mère et à l'enfant. Dans les quelques temps calmes volés dans la journée, nous arriverons à nous poser avec mon amoureux, pour choisir un prénom à cette toute petite (49 centimètres, 2,890 kg) arrivée comme un bouchon de champagne sur le seuil des toilettes le samedi 4 janvier à 5 h 23.
Heureusement, nous n'en étions pas au premier accouchement à domicile, et ayant senti qu'il serait rapide (col souple et bassin hyperlaxe lors des derniers examens), la sage-femme et moi avions bien potassé la possibilité d'avoir à accueillir seule le bébé. Personnellement, seule la délivrance m'angoissait, ne sachant pas reconnaître un placenta entier, le risque d'hémorragie me faisait peur. Je pense que mon conjoint a bien fait d'appeler les pompiers, au cas où quelque chose se serait mal passé. On aurait pu être transférées rapidement à l'hôpital à 25 minutes de chez nous.
On se sent à la fois chanceux que tout se soit bien passé, sans douleur et sans heurts, mais on a aussi le sentiment de ne pas avoir vraiment vécu cet accouchement, pris que nous étions par le pragmatisme du moment. Preuve une fois encore, que tout ne se passe pas toujours comme on l'avait prévu...

Retrouvez les témoignages précédents de David et Maryline : http://rebonds.net/37pourunautreenfantement/621-lanaissancedenki

Un acte avec une portée politique

  • Alice s'exprime sur la radiation de la sage-femme Rose Faugeras (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs). « J'avoue qu'au départ cela m'a peu touché, je ne me sentais pas concernée et, surtout, je ne pensais pas qu'elle pouvait être mise en cause. Je la trouvais si professionnelle et si attachante, rayonnante. Rien de mal ne pouvait lui arriver, puisqu'elle ne pouvait faire que du bien. Je savais qu'elle ne prenait plus de nouvelles patientes, étant surchargée de boulot. Et puis, les rumeurs circulant par des amies l'ayant vue en consultation ou l'ayant contactée pour un AAD, m'ont appris qu'elle ne faisait plus d'accompagnement global, que du suivi de grossesse ou gynécologique. Aussi, lorsque j'ai su que j'étais enceinte d'un deuxième enfant, ai-je tout de suite évacué l'idée d'un AAD de mon esprit. Mais comme je me posais des questions sur mon début de grossesse, j'ai fini par la contacter tout de même. C'est ainsi que j'en ai su davantage sur sa situation : elle était mise en cause par l'ARS (Agence Régionale de Santé) et l'Ordre des sages-femmes, dans une affaire où il n'y avait pas eu d'erreurs, où les mamans et les bébés allaient bien. Cela paraissait absurde. Nous avons beaucoup discuté de tout ça au fil des mois, pour nous rassurer les uns les autres, savoir où nous en étions par rapport à tout ça (la confiance mutuelle tellement importante). Et de la même manière qu'on savait qu'elle ne nous lâcherait pas, nous l'avons toujours soutenue, mon conjoint et moi. Elle nous a toujours paru forte et positive, même si fatiguée et abattue, et nous lui avons toujours assuré que nous étions avec elle, à ses côtés.
    Cette affaire, et tant d'autres, m'ont donné envie de m'engager : j'ai adhéré aux différentes associations de défense de l'AAD et des professionnelles le pratiquant. Plus je me renseignais, plus je me disais combien cet acte avait une portée politique : il s'agit d'un droit, bafoué par méconnaissance, par des peurs irrationnelles, et pour aller plus loin, par une mainmise patriarcale de la médecine, des médecins, de l'hôpital géré comme une entreprise, sur le corps et le ressenti des femmes.
    Le verdict est finalement tombé quelques jours après la naissance de Leïla... Radiée ! Je n'arrivais pas à y croire, j'étais estomaquée, sans voix. Je lui ai aussitôt envoyé un message lui disant combien j'étais triste pour elle. Quand j'en ai parlé à mon conjoint, c'est la colère qui nous a animés. Quelle injustice ! Quelle absurdité ! Alors même que dans les hôpitaux le personnel est débordé et les patientes sont parfois livrées à elles-mêmes voire maltraitées ; alors même que toute la technologie médicale n'empêche pas des bébés et des femmes de mourir, parfois par négligence, parfois par incompétence et parfois par hasard et par malheur, comme partout, on empêche une femme compétente, douce et chaleureuse d'accompagner des parents dans la mise au monde de leur enfant, dans la joie, l'apaisement et la sécurité. Mais elle tient bon, et nous la soutiendrons de toutes nos forces et par tous les moyens à notre disposition, jusqu'au bout.
    Plus que jamais, je veux témoigner, partager mon expérience auprès des personnes qui pensent que l'accouchement, c'est à l'hôpital avec une péri, que nous sommes fous et inconscients, que nous nous mettons en danger, nous et nos bébés, que « la souffrance, c'est tendance » (https://charliehebdo.fr/2020/06/societe/accouchement-la-souffrance-cest-tendance-2/). Accoucher chez soi sans douleur et sans sur-médicalisation, c'est possible ! Bien accompagnée, avec un.e professionnel.le dans de bonnes conditions, ce n'est pas dangereux.
    Pour finir j'ajouterai en manière de punchlines :
    Accoucher chez moi, c'est mon droit, c'est mon choix.
    Le risque zéro n'existe pas.
    Pourquoi irais-je à l'hôpital pour accoucher ? Je ne suis pas malade !