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« Danser, résister », sous la direction de Nadia Vadori-Gauthier

« Et que l'on estime perdue toute journée où l'on n'aura pas dansé une fois. » C'est notamment de cette citation du philosophe Nietzsche que le projet de Nadia Vadori-Gauthier est né. Après les attentats au journal Charlie Hebdo en 2015 à Paris, elle décide de danser chaque jour une minute, où qu'elle soit, de filmer cette performance et de la publier sur Internet. Un livre retrace cette singulière et poétique expérience.

Nadia Vadori-Gauthier est chorégraphe et docteure en esthétique de l’Université Paris 8. Elle a été formée à la danse, aux arts de la scène et de l’image, et s'est spécialisée dans diverses pratiques du mouvement.

Depuis 2015 et la vague d'attentats à Paris, elle danse chaque jour une minute et poste les films issus de ces performances sur Internet ou les réseaux sociaux. « Je danse à l'intérieur ou à l'extérieur, dans des espaces publics ou privés, seule ou avec d'autres, des inconnu·e·s ou des ami·e·s », explique-t-elle dans une vidéo de présentation.
Elle considère son projet comme un « acte de résistance poétique ». « Je danse comme on manifeste, comme une petite manif' quotidienne pour œuvrer à une poésie vivante, pour agir, par le sensible, contre la violence de certains aspects du monde. C'est la réponse que j'ai trouvée, pour m'impliquer en actes à ma mesure, dans une action réelle et répétée qui puisse déplacer les lignes, faire basculer le plan ou osciller la norme. »
Outre la citation de Nietzsche, Nadia Vadori-Gauthier fait aussi référence à un proverbe chinois : « Goutte à goutte, l'eau finit par transpercer la pierre ». Elle en est sûre : une action minime et répétée peut finir par avoir un grand effet. « La goutte d'eau, ce sont mes danses, quotidiennes, sans arme ni bouclier, et la pierre, c'est un certain durcissement du monde : communautarisme, hiérarchie, consumérisme, dogmatisme, la désolidarisation d'avec la nature, et le manque d'une dimension poétique active au quotidien. »

Au départ, elle dansait dans ce qu'elle appelle « les interstices du quotidien, du banal ». Mais après la seconde vague d'attentats, en novembre 2015, elle a relié sa danse à l'actualité. « Les circonstances exigeaient de moi un lien direct à ce qui se passait, tout au moins lorsque l'actualité entrait en résonance particulière avec les enjeux qui m'ont engagée à danser. » Parmi les événements qu'elle a retenus : les élections, la COP 21, les manifestations contre la loi Travail, Nuit Debout, la coupe du monde de football, la situation des migrant·e·s, la défense des droits des homosexuel·le·s et des minorités, la pollution de l'air, le droit au logement… Danse après danse, vidéo après vidéo, la chorégraphe constitue ainsi un véritable témoignage de la période que nous vivons.
Si l'intention est répétée, le geste est chaque fois original. Car, comme elle le dit, « chaque danse est comme la première : une page vide, de l'espace, de l'inconnu ».

Au total, elle a consacré 1001 jours à ce projet restitué dans un ouvrage intitulé « Danser, résister » et paru en 2018 aux éditions Textuel. Il rassemble plus de 800 images capturées depuis les vidéos, et sept textes qui interrogent ce geste « micropolitique et poétique ». Ils tentent d'explorer cette question : « la danse peut-elle contribuer à modifier nos regards et nos modes d'entrée en relation les uns avec les autres ? »

La vidéo de présentation est visible sur https://vimeo.com/nvg. Plus de renseignements sur le livre sur : https://www.editionstextuel.com/livre/danser-resister