Le jeune Mohamed est entré dans ma vie par la porte du Prahda (1) de Bourges. Un jour, il m'a fait goûter le saka saka. Cette recette a pour moi la saveur d'un moment inoubliable et sera à jamais ma madeleine de Proust.
Jeune guinéen, Mohamed a obtenu, dans l'ordre : son baccalauréat, son entrée à l'université, ses papiers, une bourse pour poursuivre ses études. Tout ça après avoir fui son pays, être passé par la Libye, avoir traversé la mer Méditerranée, subi une opération du genou et avoir attendu des mois, dans une angoisse accentuée par l'insomnie, sa régularisation. Il est épuisé.
Nous sommes un peu loin l'un de l'autre, mais j'attends avec impatience le jour où nous pourrons à nouveau cuisiner ensemble des feuilles de manioc… Les ingrédients sont prêts dans ma cuisine ! La recette partagée ici n'est pas « traditionnelle » dans le sens où elle s'accompagne généralement de poisson. Mohamed avait concocté pour moi une version végétale et sans piment.
La voici pour quatre personnes :
- 300 grammes de saka saka (feuilles de manioc hachées)
- 15 cl d'huile
- 1 oignon blanc
- 2 oignons rouges
- 1 gousse d'ail
- 1 aubergine violette
- 2 cuillères à soupe de purée de cacahuètes
- sel et poivre
Faire revenir dans l'huile les oignons émincés et l'ail. Incorporer l'aubergine coupée en morceaux, verser 15 cl d'eau et ajouter le saka saka.
Délayer la purée de cacahuètes dans de l'eau, dans une casserole à part, puis verser dans le mélange de saka saka.
Laisser mijoter 30 à 40 minutes à feu doux en remuant régulièrement.
Servez chaud, avec du riz ou de la banane plantain bouillie.
C'est simple et délicieux !
Le manioc se déguste sous différentes formes : en semoule (gari), pour le couscous (attiéké), en farine (foufou), pour le pain ou en frites… Ses feuilles agrémentent souvent les plats du Congo et du Cameroun mais elles ont aujourd'hui largement dépassé les frontières de l'Afrique et d'ailleurs...
(1) Lire aussi le numéro 6 de (Re)bonds : http://rebonds.net/6-prahda/370-prahda
Photo : Feuilles de manioc / Mayapujiati